Son histoire

De la Chine au Dauphiné

Par l’Orient, le secret de fabrication de la soie arrive en Europe au Moyen-Âge, mais il faudra attendre le XVI siècle pour que les rois décident à d’impulser le développement de la filière de production des tissus en France.

La culture du mûrier trouve des conditions favorables pour son développement jusque dans les vallées préalpines et ouvre la voie à une activité spécifique et prometteuse : le moulinage de la soie. Tout au long du XVIII siècle, l’élaboration et la préparation des fils de soie s’imposent un peu partout en Dauphiné, allant jusqu’à détrôner l’activité de tissage en déclin à partir des années 1820.

A la fin du XVIII siècle, le Dauphiné est présenté comme l’un des premiers centres français de filature et de moulinage de la soie, sinon le premier.

Carte des établissements de moulinage de soie du Dauphiné en l'année 1787

Deux fabriques établies à quelques dizaines de mètres l'une de l'autre...

Le moulinage Crozel naît au début du XVIII siècle, profitant d’une période de prospérité grâce à la réputation que les soies lyonnaises ont acquise. Il est en début de chaîne de tout un savoir-faire dont l’aboutissement se trouve dans les fameux ateliers des canuts lyonnais, où l’homme tisse, aidé de sa femme et de ses enfants.

En 1782, le village de Saint-Antoine compte près de 10 moulinages. A la même époque la petite commune de Chatte, située à quelques kilomètres, se dote d’une seconde fabrique, au lieu dit la Galicière, à l’instigation d’un certain Pierre Bouvier.

L’usine de moulinage de la Galicière est née du regroupement des deux fabriques. Nommées respectivement Fabrique Haute et Fabrique Basse, elles sont acquises en 1855 par deux négociants lyonnais, Romain Deprandière et François Fleury Cuchet.

Elles réunissent, sous un même toit, ateliers de moulinage et de dévidage au rez-de-chaussée, logements du directeurs et des contremaîtres, dortoirs des ouvrières à l’étage, magnanerie dans les combles.

Ces bâtiments sont complétés au sud par la filature repérable par ses grandes verrières en façade, le bâtiment de la chaudière à vapeur avec, à l’arrière, sa cheminée d’évacuation des vapeurs et enfin, au nord, les communs. Tout aussi bien conservé est le système hydraulique, que ce soit le canal d’amenée d’eau, les roues, que les arbres de transmission qui donnaient aux machines leur mouvement.

Une épopée industrielle rurale

En 1870, se sont près de 600 tavelles, 6000 broches et 56 bassines qui garnissent les ateliers

L’usine de la Galicière est dirigée par François Cuchet, assisté de son gendre Joseph Louis Marc Crozel, et figure au troisième rang des entreprises de moulinage du département, par l’importance de ses équipements.

De 1870 à 1876, la filature a employé entre 80 et 100 personnes.

Le travail débutait mi-juin et se terminait à des dates variables selon les années, mi-novembre, mi-décembre mais aussi en mai, voire en juin en 1876.

Sur chaque début de page du registre ou presque figurent l'année, le mois, la période et l'atelier concernés.

Les salaires étaient calculés par jour : de 1 F à 1,20 F pour les femmes, de 0,40 F à 0,70 F pour les enfants et 2,50 F pour les hommes. Le pointage devait être très compliqué car les journées étaient rarement entières : 10 jours ¼, 29 jours ½ !

En Septembre 1874 à la filature, 29 travailleurs sur 89 devaient être des enfants. A cette époque, le travail des enfants était habituel bien qu’étant réglementé depuis 1841. En 1851, leur journée ne devait pas dépasser 10 heures et à partir de 1874, il était interdit de les employer avant l’âge de 12 ans.

En 1860, une maladie épidémique très grave du ver à soie, la pébrine anéantit les élevages et sème la désolation chez les éleveurs.

Il faudra quelques années à Pasteur pour mettre au point le « grainage cellulaire », seul remède efficace contre cette pandémie. Mais entre-temps, la majorité des mûriers avait déjà été arrachée entraînant la fermeture systématique des filatures par manque de matières premières.

Les marchands lyonnais se tournent vers l’importation de soies étrangères facilitée depuis 1869 par le percement du Canal de Suez. Cette concurrence, associée à celle des soies artificielles puis synthétiques allait porter un coup fatal à l’industrie de la soie en France.

En 1901, la filature de la Galicière est en partie transformée en habitation.

La Fabrique Basse de la Galicière fermera ses portes dans les années 20 alors que la Fabrique Haute ne tourne plus depuis la guerre de 14.